“Canal Mussolini” d’Antonio Pennacchi

 “Canal Mussolini” d'Antonio Pennacchi

Canal Mussolini d’Antonio Pennacchi

Un livre à conseiller qui a reçu le plus prestigieux des prix italiens, le prix Strega en 2010

Si vous lisez facilement en italien, la lecture en est plus riche par rapport à la traduction.

C’est un roman très intéressant en deux parties qui raconte l’histoire de l’Italie et de sa politique au travers d’une histoire familiale. Nous suivons les Perruzzi, famille de paysans de Ferrara (Vénétie au nord de l’Italie) , du début du XX°siècle à la fin de la seconde guerre mondiale sur 40 ans d’Italie fasciste.

Dans la première partie, on découvre la vie difficile de ces paysans, qui travaillent la terre et élèvent leurs animaux et qui vivent de métayage et privations pour le Comte Zorzi-Vila. Politiquement ils sont de tendance marxiste jusqu’au moment où un ami de la famille viendra diner chez eux avec Benito Mussolini.
Les membres de la famille Peruzzi, fascinés par sa personnalité. s’engagent à ses côtés et revêtent la chemise noire, participent à la création des Faisceaux(1919) , aux luttes syndicales, à la première guerre mondiale, à l’agitation prolétarienne Biennio Rosso(1919-1921) .
Bien sûr, les Peruzzi participent à la Marche sur Rome (1922). A dire vrai, plus par loyauté que par réelle conviction politique.

On découvre aussi la famille Perruzzi, très nombreuse. Quelle famille ! Huit fllles, neuf garçons, ainsi que les maris, femmes et petits enfants, une véritable tribu dont fera partie l’auteur du livre Antonio Pennacchi en tant que petit-fils, qui s’est nourri des récits de tous ses oncles.

La grand-mère a une forte personnalité qui dirige la famille. Tous ces oncles dont parle Antonio Pennacchi seront cités au fur et à mesure du roman et des événements. L’oncle principal Pericle a aussi un fort caractère : il est courageux, sanguin mais aussi sentimental avec sa femme Armida, personnage particulier qui vit avec ses abeilles et leur parle ! (que l’on voit sur la couverture du livre).

A un certain moment de leur vie, en 1926, ils seront ruinés par la dévaluation Quota 90 et expulsés du domaine du Comte Zorzi-Vila dont le nom sera maudit comme un refrain par toute la famille “Maldits soient les Zorzi Vila !“. Ils se retrouvent sans rien affamés.

Deuxième partie : A partir de là, tout change dans leur vie.

Dès 1931, la politique de Mussolini est de bonifier l’Agro Pontin c’est-à-dire d’ assainir les paludes qui se trouvaient au sud de Rome.
Entreprise titanesque.
Pour cette raison, on propose aux Perruzzi d’émigrer vers les marais Pontins, avec trente mille autres affamés pour les assécher (il s’agit de 700 km2 de bourbier infectés de moustiques d’où le risque de mourir de malaria) et de les faire prospérer en creusant les 31 km du canal Mussolini drainant les eaux descendant des monts Lepini et bloquées par la dune en marais sauvages et malsains.
Ce sera le chantier le plus spectaculaire de la dictature. Huit ans sont nécessaires pour creuser ce gigantesque canal.

L’oeuvre nationale des combattants, institution fasciste, choisissaient des paysans anciens combattants de la Grande Guerre qui connaissaient le travail de la terre et étaient bons fascistes.
C’est ainsi que les Perruzzi émigrent, affrontent les difficultés et parviennent à devenir enfin propriétaires de leur domaine.

Raconté par le plus jeune des Peruzzi, on assiste à l’installation, et à la nouvelle vie quotidienne de la tribu.

On voit évoluer la doctrine fasciste vers les fastes impériaux, idée fixe de Mussolini qui voulait faire une politique d’extention en Afrique.
Bien sûr, les Peruzzi- chemises noires - participèrent à l’aventure coloniale (la conquête de nouveaux pays) et furent engagés sur tous les fronts pendant la seconde guerre mondiale, aux côtés d’Hitler.

Les guerres tournent à la catastrophe, pour l’Italie comme pour les Peruzzi. Quand les Alliés avancent pour libérer l’Italie en 1943, les Peruzzi combattent du côté des Allemands.

Ils vivront la montée et la chute de Mussolini.

La grande qualité de ce roman reste le style. le narrateur nous parle avec spontanéité, nous raconte avec ses mots, ses interprétations et avec beaucoup d’humour l’histoire de cette famille confrontée à l’histoire de l’Italie.
Les Perruzzi parlent un langage “patois”, souvent amusant, ce qui rend la lecture parfois loufoque. Par exemple, ces gens du nord se retrouvent au milieu d’étrangers de cette zone nouvelle parlant une autre langue : ils sont traités de “bouffeurs de polenta” et “cispadans” (c’est-à-dire envahisseurs).

En conclusion,, la lecture de cette saga nous présente trois générations avec leurs terres, leurs drames, leurs convictions, la guerre et la politique sur un demi siècle d’histoire italienne.

Texte de Marion Simprez